La (mauvaise) réputation de l’équipe de France

« Au village, sans prétention, j’ai mauvaise réputation. Qu’je m’démène ou qu’je reste coi, je pass’ pour un je-ne-sais-quoi! » Brassens chantait la réputation sans penser à l’équipe de France. Moi, je ne peux évoquer l’équipe de France de football sans penser à la réputation. J’ai le sentiment d’un grand gâchis, d’une destruction de lien entre les Français et leur équipe, et surtout (c’est ce qui me désole le plus) entre le reste du monde et la France. Le football est une vitrine de la France sur le monde ; c’est particulièrement vrai en période de coupe du Monde. Et cette vitrine ne donne pas envie. Pas envie sur le jeu produit (pour l’instant). Pas envie sur ce que renvoie l’entraîneur actuel. Pas envie sur le rapport de l’équipe de France de football avec la société. Le monde nous regarde et son regard est sans concession. Ce désamour mesure la profondeur du fossé qui se creuse entre notre vision idéalisée de l’équipe de France et sa réalité. Nos attentes sont fortes ; les faits et les actes de notre équipe sont trop souvent en dessous de nos attentes. Je ne reviendrai pas sur les causes de ce désamour. Parlons plutôt de rêves, de désillusions et d’avenir. Nous rêvons de jeu, d’esprit d’équipe, de respect, de valeurs, d’humain et de joie. En face, notre équipe nous renvoie des images en décalage avec notre monde ; l’argent roi, un entraîneur arrogant, un encadrement frileux, un repli sur soi. Nous rêvons d’une équipe de France qui puise sa force mentale et sa cohésion dans les ghettos d’Afrique du Sud. Nous voyons une équipe à l’écart du monde et enfermée dans ses baladeurs. il y a un malaise. Et c’est important d’en parler quelque soit le résultat de l’équipe de France au mondial (je souhaite un magnifique parcours à notre équipe), L’arrivée prochaine de Laurent Blanc à la tête de la sélection est l’occasion d’un travail plus global sur la réputation de l’équipe de France de football. Rappelons que la réputation trace l’état des relations entre une organisation et ses publics. A ce titre, l’équipe de France doit manager sa réputation comme toute grande entreprise internationale. Si nous reprenons les critères constitutifs de la réputation d’une organisation (méthodologie du Reputation Institute), nous identifions 7 chantiers pour demain : - 1er critère et le plus important dans tous les pays, les produits et services. Le produit de l’équipe de France c’est le spectacle. L’équipe doit délivrer du beau jeu, c’est la priorité pour créer un attachement. J’aime entendre un stade vibrer de plaisir sur une belle action. A contrario, rien n’est plus désespérant qu’un public assommé d’ennui. Le beau jeu est contagieux. Chaque entraineur a son schéma de jeu et il faut parfois du temps pour l’installer (nous en savons quelque chose). L’essentiel est d’expliquer clairement cette vision du jeu et de la partager. Sur ce point, il y a du travail. - 2ème critère, la gouvernance. C’est l’attente qui monte dans l’opinion. Les citoyens veulent comprendre comment se prennent les décisions. Y voir clair sur l’organisation et les choix. S’assurer de la cohérence entre les valeurs et les actes. Clairement, un travail sur les valeurs et les priorités de l’équipe de France est à conduire. - 3ème critère, la citoyenneté. C’est l’engagement de notre équipe dans la société. Nous parlons ici de ses actions, ses dons, ses combats, et plus largement de son rapport au monde extérieur. A l’opposé des actions marketing, nous sommes dans le registre de l’engagement à long terme. Là encore, nous manquons de priorités et de certitudes. - 4ème critère, l’emploi. On évoque ici une rétribution juste et équitable, une attention à l’humain, un bien-être des collaborateurs. Rarement, j’ai ressenti dans l’équipe de France un tel mal-être. Les joueurs laissés à eux-mêmes forment une troupe de mercenaires qui ne savent pas vers où tirer la maison France. La popularité des joueurs, sinon leur réputation, est meilleure que celle de l’équipe qu’ils forment. La ferveur autour de Ribery, notamment en Allemagne en témoigne. Cette question souligne le rôle du management. C’est aux dirigeants de manager. Tout devient alors plus simple pour les joueurs. - 5ème critère, l’innovation. L’équipe de France est-elle innovante ? Cette question est intéressante au moment où il faut clairement renouveler les savoir être et les savoir faire de notre équipe. L’audace est souvent une solution pour créer des ruptures. - 6ème critère, le leadership. Si nous reconnaissons que l’équipe de France de football est bien plus qu’une équipe de sportifs et qu’elle est aussi une vitrine de la France sur le monde (intérieur et extérieur), la question du leadership se pose en trois dimensions : l’exemplarité du football français sous la responsabilité de la Fédération, la performance de l’équipe sous la responsabilité du manager ; l’incarnation de l’équipe par les joueurs. La réputation se construit sur l’ensemble de ces interfaces. Chacun doit connaître sa mission et sa responsabilité. Qui a décidé le choix de l’hôtel en Afrique du Sud et sur quels critères ? Cette décision doit appartenir aux responsables au plus haut niveau car c’est une posture qui engage l’image du football français et de la France. - Enfin, le 7ème critère d’évaluation de la réputation est la performance. S’agissant des grandes entreprises du CAC 40, il est intéressant de voir que les Français placent ce critère en dernière position. Il n’est pas certain que cela soit le cas pour la réputation dans le sport. La performance au football (1 – 0) est importante, mais elle ne peut être une finalité sur le terrain de la réputation. Reconstruire la relation amoureuse entre les Français leur équipe de France demande beaucoup plus que des résultats. Voilà sept chantiers passionnants qui ne sont pas insurmontables. Il faut juste une prise de conscience rapide. Celle que l’équipe de France évolue dans un monde qui change. Les Français, et beaucoup d’autres dans le monde, aspirent à une société avec plus d’engagement, d’humain, de transparence. Quelle équipe de France voulons-nous ? Quelle image voulons-nous donner au monde ? L’espoir est là. C’est un bon socle pour commencer à travailler… « Tout le monde médit de moi, sauf les muets, ça va de soi. »
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